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LES ROUGON-MACQUART

finir. Il fallait que le malheur, au moins, fût bon à quelque chose. Auguste, au milieu d’eux, comprenait bien ce qu’ils voulaient ; et il était seul, sans force, l’air gêné. Lentement, la famille avait défilé sous la voûte, vêtue de noir. Personne ne parlait. Dans l’escalier, le silence continua, un silence plein d’un sourd travail ; tandis que les jupes de crêpe, molles et tristes, montaient les marches. Auguste, pris d’une dernière révolte, était passé le premier, avec l’idée de s’enfermer vivement chez lui ; mais, comme il ouvrait sa porte, Clotilde et l’abbé, qui l’avaient suivi, l’arrêtèrent. Derrière eux, Berthe en grand deuil parut sur le palier, accompagnée de sa mère et de sa sœur. Toutes trois avaient les yeux rouges, madame Josserand surtout faisait peine à voir.

— Allons, mon ami, dit simplement le prêtre, gagné par les larmes.

Et cela suffit, Auguste céda tout de suite, voyant qu’il valait mieux se résigner, dans cette occasion honorable. Sa femme pleurait, il pleura aussi, bégayant :

— Entre… Nous tâcherons de ne pas recommencer.

Alors, la famille s’embrassa. Clotilde félicitait son frère : elle n’attendait pas moins de son cœur. Madame Josserand montrait une satisfaction navrée, en veuve que les bonheurs inespérés ne touchent même plus. Elle associa son pauvre mari à la joie générale.

— Vous faites votre devoir, mon gendre. Celui qui est au ciel vous remercie.

— Entre, répétait Auguste bouleversé.

Mais, attirée par le bruit, Rachel venait de paraître dans l’antichambre ; et, devant l’exaspération muette qui pâlissait le visage de cette fille, Berthe eut une courte hésitation. Puis, sévèrement, elle entra, elle disparut avec le noir de son deuil, dans l’ombre de