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POT-BOUILLE

Ils avaient de ces aveux, lorsqu’ils sortaient côte à côte d’une agonie ou d’une naissance. Malgré leurs croyances opposées, ils s’entendaient parfois sur l’infirmité humaine. Tous deux étaient dans les mêmes secrets : si le prêtre recevait la confession de ces dames, le docteur, depuis trente ans, accouchait les mères et soignait les filles.

— Dieu les abandonne, reprit le premier.

— Non, dit le second, ne mettez donc pas Dieu là dedans. Elles sont mal portantes ou mal élevées, voilà tout.

Et, sans attendre, il gâta ce point de vue, il accusa violemment l’empire : sous une république, certes, les choses iraient beaucoup mieux. Mais, au milieu de ses fuites d’homme médiocre, revenaient des observations justes de vieux praticien, qui connaissait à fond les dessous de son quartier. Il se lâchait sur les femmes, les unes qu’une éducation de poupée corrompait ou abêtissait, les autres dont une névrose héréditaire pervertissait les sentiments et les passions, toutes tombant salement, sottement, sans envie comme sans plaisir ; d’ailleurs, il ne se montrait pas plus tendre pour les hommes, des gaillards qui achevaient de gâcher l’existence, derrière l’hypocrisie de leur belle tenue ; et, dans son emportement de jacobin, sonnait le glas entêté d’une classe, la décomposition et l’écroulement de la bourgeoisie, dont les étais pourris craquaient d’eux-mêmes. Puis, il perdit pied de nouveau, il parla des barbares, il annonça le bonheur universel.

— Je suis plus religieux que vous, finit-il par conclure.

Le prêtre semblait avoir écouté silencieusement. Mais il n’entendait pas, il était tout entier à sa rêverie désolée. Après un silence, il murmura :

— S’ils sont inconscients, que le ciel les prenne en pitié !