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POT-BOUILLE

Berthe, l’ayant aperçu, lui demanda étourdiment d’où il venait. Il garda le silence, elle resta gênée ; puis, pour se tirer d’embarras, elle présenta les deux jeunes gens l’un à l’autre. Sa mère ne l’avait pas quittée des yeux, prenant dès lors une attitude de général en chef, conduisant l’affaire, du fauteuil où elle s’était assise. Quand elle jugea que le premier engagement avait donné tout son résultat, elle rappela sa fille d’un signe, et lui dit à voix basse :

— Attends que les Vabre soient là, pour ta musique… Et joue fort !

Octave, demeuré seul avec Trublot, cherchait à le questionner.

— Une charmante personne.

— Oui, pas mal.

— Cette demoiselle en bleu est sa sœur aînée, n’est-ce pas ? Elle est moins bien.

— Pardi ! elle est plus maigre !

Trublot, qui regardait sans voir, de ses yeux de myope, avait la carrure d’un mâle solide, entêté dans ses goûts. Il était revenu satisfait, croquant des choses noires qu’Octave reconnut avec surprise pour être des grains de café.

— Dites donc, demanda-t-il brusquement, les femmes doivent être grasses dans le Midi ?

Octave sourit, et tout de suite il fut au mieux avec Trublot. Des idées communes les rapprochaient. Sur un canapé écarté, ils se firent des confidences : l’un parla de sa patronne du Bonheur des Dames, madame Hédouin, une sacrée belle femme, mais trop froide ; l’autre dit qu’on l’avait mis à la correspondance, de neuf à cinq, chez son agent de change, M. Desmarquay, où il y avait une bonne épatante. Cependant, la porte du salon s’était ouverte, trois personnes entrèrent.