Page:Emile Zola - Pot-Bouille.djvu/63

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
63
POT-BOUILLE

fait entendre, un monsieur entra, sans précaution.

— Oh ! docteur ! dit madame Josserand, d’une voix courroucée.

Le docteur Juillerat eut un geste pour s’excuser, et il demeura sur place. Berthe, à ce moment, détachait une petite phrase, d’un doigté ralenti et mourant, que la société salua de murmures flatteurs. Ah ! ravissant ! délicieux ! Madame Juzeur se pâmait, comme chatouillée. Hortense, qui tournait les pages, debout près de sa sœur, restait revêche sous la pluie battante des notes, l’oreille tendue à la sonnerie du timbre ; et, quand le docteur était entré, elle avait eu un tel geste de désappointement, qu’elle venait de déchirer une page, sur le pupitre. Mais, brusquement, le piano trembla sous les mains frêles de Berthe, tapant comme des marteaux : c’était la fin de la rêverie, dans un tapage assourdissant de furieux accords.

Il y eut une hésitation. On se réveillait. Était-ce fini ? Puis, les compliments éclatèrent. Adorable ! un talent supérieur !

— Mademoiselle est vraiment une artiste de premier ordre, dit Octave, dérangé dans ses observations. Jamais personne ne m’a fait un pareil plaisir.

— N’est-ce pas ? monsieur, s’écria madame Josserand enchantée. Elle ne s’en tire pas mal, il faut l’avouer… Mon Dieu ! nous ne lui avons rien refusé, à cette enfant : c’est notre trésor ! Tous les talents qu’elle a voulu avoir, elle les a… Ah ! monsieur, si vous la connaissiez…

Un bruit confus de voix emplissait de nouveau le salon. Berthe, très tranquille, recevait les éloges ; et elle ne quittait pas le piano, attendant que sa mère la relevât de sa corvée. Déjà cette dernière parlait à Octave de la façon étonnante dont sa fille enlevait les Moissonneurs, un galop brillant, lorsque des coups