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POT-BOUILLE

blancs. Pour cacher le grand mur nu de la maison de gauche, qui fermait le carré de la cour, on y avait répété les fenêtres, de fausses fenêtres peintes, aux persiennes éternellement closes, derrière lesquelles semblait se continuer la vie murée des appartements voisins.

— Mais je serai parfaitement ! cria Octave enchanté.

— N’est-ce pas ? dit Campardon. Mon Dieu ! j’ai fait comme pour moi ; et, d’ailleurs, j’ai suivi les instructions contenues dans vos lettres… Alors, le mobilier vous plaît ? C’est tout ce qu’il faut pour un jeune homme. Plus tard, vous verrez.

Et, comme Octave lui serrait les mains, en le remerciant, en s’excusant de lui avoir donné tout ce tracas, il reprit d’un air sérieux :

— Seulement, mon brave, pas de tapage ici, surtout pas de femme !… Parole d’honneur ! si vous ameniez une femme, ça ferait une révolution.

— Soyez tranquille ! murmura le jeune homme, un peu inquiet.

— Non, laissez-moi vous dire, c’est moi qui serais compromis… Vous avez vu la maison. Tous bourgeois, et d’une moralité ! même, entre nous, ils raffinent trop. Jamais un mot, jamais plus de bruit que vous ne venez d’en entendre… Ah bien ! monsieur Gourd irait chercher monsieur Vabre, nous serions propres tous les deux ! Mon cher, je vous le demande pour ma tranquillité : respectez la maison.

Octave, que tant d’honnêteté gagnait, jura de la respecter. Alors, Campardon, jetant autour de lui un regard de méfiance, et baissant la voix, comme si l’on eût pu l’entendre, ajouta, l’œil allumé :

— Dehors, ça ne regarde personne. Hein ? Paris est assez grand, on a de la place… Moi, au fond, je suis un artiste, je m’en fiche !