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POT-BOUILLE

tente. Il lui achète des chemises pour qu’elle s’en aille.

La mère haussa les épaules.

— Hein ? tu dis que ça ne prouve rien. C’est bon, mène ta barque comme je mène la mienne… Eh bien ! en voilà une brioche qui peut se flatter d’être mauvaise ! Il ne faut pas qu’ils soient dégoûtés, pour engloutir des saletés pareilles.

M. Josserand, que les soirées de sa femme brisaient, se délassait sur une chaise ; mais il eut peur d’une rencontre, il craignit que madame Josserand ne l’emportât dans sa course furieuse ; et il se rapprocha de Bachelard et de Gueulin, attablés en face d’Hortense. L’oncle, à son réveil, avait découvert un flacon de rhum. Il le vidait, en revenant aux vingt francs, avec amertume.

— Ce n’est pas pour l’argent, répétait-il à son neveu, c’est pour la manière… Tu sais comment je suis avec les femmes : je leur donnerais ma chemise, mais je ne veux pas qu’elles demandent… Dès qu’elles demandent, ça me vexe, je ne leur fiche pas un radis.

Et, comme sa sœur allait lui rappeler ses promesses :

— Tais-toi, Éléonore ! Je sais ce que je dois faire pour la petite… Mais, vois-tu, les femmes qui demandent, c’est plus fort que moi. Je n’ai jamais pu en garder une, n’est-ce pas ? Gueulin… Et puis, vraiment, on montre si peu d’égards ! Léon n’a seulement pas daigné me souhaiter ma fête.

Madame Josserand reprit sa marche, les poings crispés. C’était vrai, il y avait encore Léon, qui promettait et qui la lâchait comme les autres. En voilà un qui n’aurait pas sacrifié une soirée pour le mariage de ses sœurs ! Elle venait de découvrir un petit four, tombé derrière un des vases, et elle le serrait dans un tiroir, lorsque Berthe qui était allée délivrer Saturnin, le