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POt-BOUILLE

Et, courbaturée, elle ne parla pas davantage du livre, si pleine de son émotion, des rêveries confuses de sa lecture, qu’elle suffoquait. Ses oreilles bourdonnaient, aux appels lointains du cor, dont sonnait le chasseur de ses romances, dans le bleu des amours idéales. Puis, sans transition, elle dit qu’elle était allée le matin à Saint-Roch entendre la messe de neuf heures. Elle avait beaucoup pleuré, la religion remplaçait tout.

— Ah ! je vais mieux, reprit-elle en poussant un profond soupir et en s’arrêtant devant Octave.

Il y eut un silence. Elle lui souriait de ses yeux candides. Jamais il ne l’avait trouvée si inutile, avec ses cheveux rares et ses traits noyés. Mais, comme elle continuait à le contempler, elle devint très pâle, elle chancela ; et il dut avancer les mains pour la soutenir.

— Mon Dieu ! mon Dieu ! bégaya-t-elle dans un sanglot.

Il la gardait, embarrassé.

— Vous devriez prendre un peu de tilleul… C’est d’avoir trop lu.

— Oui, ça m’a tourné sur le cœur, quand je me suis vue seule, en fermant le livre… Que vous êtes bon, monsieur Mouret ! Sans vous, je me faisais du mal.

Cependant, il cherchait du regard une chaise, où il pût l’asseoir.

— Voulez-vous que j’allume du feu ?

— Merci, ça vous salirait… J’ai bien remarqué que vous portiez toujours des gants.

Et, reprise de suffocation à cette idée, tout d’un coup défaillante, elle donna dans le vide un baiser maladroit, comme au hasard de son rêve, et qui effleura l’oreille du jeune homme.

Octave reçut ce baiser avec stupeur. Les lèvres de la jeune femme étaient glacées. Puis, lorsqu’elle eut roulé