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Page:Encyclopédie méthodique - Arts aratoires, T01.djvu/36

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20 BÊC BÊC


Observations.

En général, la manière de se servir des bêches est la même, puisqu'il s'agit de couper une tranche de terre, de la soulever, de retourner le dessus dessous, & si la terre n'est pas émiettée, de la briser avec le plat de la bêche, après en avoir grossièrement séparé les parties par quelques coups du tranchant.

L'ouvrier, suivant la compacité du terrain, prend plus ou moins d'épaisseur dans ses branches ; il présente la partie inférieure sur la terre, en donnant un coup avec ce tranchant ; ensuite mettant le pied sur un des côtés de la partie supérieure de la pelle, tenant le manche des deux mains, il presse, & des mains & du pied, & fait entrer la bêche jusqu'à ce que son pied touche le sol ; la bêche alors est enfoncée à la profondeur de douze pouces. Pour y parvenir, si la terre est dure, sans déplacer son instrument, il le pousse en avant, le retire en arrière successivement, & cet instrument agit comme agiroit un coin ; il détache enfin la portion de terre qu'il veut enlever.

On doit voir, par ce détail, l’avantage réel des 4e, 5e & 6e bêches ci-dessus.

La main dont le manche est armé, sert de point d'appui aux deux bras de l'homme qui travaille. Son corps est porté presque totalement, suivant sa force & sa pesanteur, attendu qu'il ne touche la terre que par le pied opposé, de sorte que l’instrument entre plus facilement, puisque l’effort est plus grand ; au contraire, en se servant des autres bêches, un des points d'appui se trouve, il est vrai, sur le haut de la pelle, mais l'autre n'est pas au sommet du levier, puisque les deux mains de l’homme sont placées, l’une vers le milieu de la hauteur du manche, & l'autre près de son extrémité. Quand même l’une des deux mains seroit placée au sommet, elle n'auroit pas l’avantage qui résulte de la réunion des deux mains de l’homme sur la main ou manette du manche des bêches. On ne sauroit assez apprécier la grande différence occasionnée par cette simple addition.

La bêche, dite lichet-simple, a l’avantage d'avoir un manche plus long, & la grandeur du levier lui donne beaucoup de force pour soulever la terre, & plus de terre, avec facilité ; mais l’avantage de la longueur du levier n'équivaut pas à celui qu'on obtient pour enfoncer la bêche en terre, lorsque son manche est armé d'une main.

La bêche luquoise n'est pas enfoncée en terre presque perpendiculairement comme les précédentes, mais très-obliquement, ce qui est nécessité par la longueur de son manche, & par


la hauteur à laquelle est placé son hoche-pied. Avec les autres bêches, on se contente de retourner la terre, mais avec celle-ci, on la jette à quelques pieds de distance. On commence par ouvrir un fossé de la profondeur d'un pied, sur deux pieds de largeur, à la tête de l'étendue du terrain qu'on se propose de travailler. La terre qu'on retire de ce fossé est transportée sur les endroits les plus bas du champ, ou disséminée sur le champ même : alors, prenant tranches par tranches successives, la terre est jetée dans le fossé, le remplit insensiblement, et il en est ainsi pour toute la terre du champ. On ne peut disconvenir que ce labour ne soit excellent, & la terre parfaitement ameublie à une profondeur convenable.

Un autre avantage que les Luquois retirent de cet instrument, est la facilité pour creuser des fossés, et former des revêtemens ; ils jettent sans peine la terre à la hauteur de huit pieds, et forment avec cette terre un rehaussement sur le bord du fossé, semblable à un mur. C'est avec cet outil que ces cultivateurs laborieux ont rendu le sol de la république de Luques, un des plus productifs & des mieux cultivés de toute l’Italie.

Voici la construction d'une nouvelle bêche, qui réunit de très-grands avantages, car le jardinier peut, à l’aide de cet instrument, faire beaucoup plus d'ouvrage, avec moins de fatigue, & elle peut être sur-tout très-utile, & soulager les vieillards qui, quoique courbés sous les années, cultivent la terre avec plus de courage que de force.

Un agriculteur instruit, considérant le travail pénible des pauvres malheureux qui bêchent la terre, fit réflexion que, dans ce travail, les bras font l’office d'un levier dont les reins sont le point d'appui. Dès ce moment, il imagina de transporter ce point d'appui dansle manche même de la bêche, afin d'épargner à l’ouvrier une peine qu'il ne peut long-temps soutenir, & dont il se ressent toujours, lorsqu'il commence à avancer en âge.

On construit un manche de bêche, dont la partie qui touche au fer, à la longueur de dix à douze pouces, doit être équarrie & percée de trous à un pouce de distance les uns des autres, afin de pouvoir y ajuster un morceau de bois léger, comme de saule, de sapin, ou de tilleul, de la longueur de huit pouces, taillé en mortoise, qu'on assujettira avec une petite clavette de fer ou de bois, & qui servira de support : la partie de ce support qui touche la terre doit avoir trois pouces de large, afin de ne point s'enfoncer en terre, lorsqu'on viendra à peser sur la bêche.