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Page:Erckmann-Chatrian — L'ami Fritz (1864).djvu/113

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L’AMI FRITZ.

les yeux, comme des figures de lanterne magique.

Enfin, au bout de vingt minutes, frais, dispos, joyeux, il ressortit, son large feutre sur l’oreille, la face épanouie, et dit à Katel en passant :

« Je sors, je vais faire un tour en ville.

— Oui, monsieur… mais vous reviendrez ?

— Sois tranquille, sois tranquille ; au coup de midi je serai à table. »

Et il descendit dans la rue en se demandant :

« Où vais-je aller ? à la brasserie ? il n’y a personne avant midi. Allons voir le vieux David, oui, allons chez le vieux rebbe. C’est drôle, rien que de penser à lui, mon ventre en galope. Il faut que je le mette en colère ; il faut que je lui dise quelque chose pour le fâcher, cela me secouera la rate, et j’en dînerai mieux. »

Dans cette agréable perspective, il descendit la rue des Capucins jusqu’à la cour de la synagogue, où l’on entrait par une antique porte cochère. Tout le monde traversait alors cette cour, pour descendre par le petit escalier en face, dans la rue des Juifs. C’était vieux comme Hunebourg ; on ne voyait là dedans que de grandes ombres grises, de hautes bâtisses décrépites, sillonnées de chéneaux rouilles ; et toute la Judée pendait aux lucarnes d’alentour, jusqu’à la cime des airs,