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Page:Erckmann-Chatrian — L'ami Fritz (1864).djvu/176

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L’AMI FRITZ.

extérieurs, leurs galeries de bois vermoulu, leurs pignons couverts de lierre, leurs petits jardins enclos de palissades, leurs basses-cours, et, derrière tout cela, les grands noyers, les hauts marronniers dont le feuillage éclatant moutonnait au-dessus des toits. L’air plein de lumière éblouissante, les petites ruelles où se promenaient des régiments de poules et de canards barbotant et caquetant ; les petites fenêtres à vitres hexagones, ternies de poussière grise ou nacrées par la lune ; les hirondelles, commençant leur nid de terre à l’angle des fenêtres, et filant comme des flèches à travers les rues ; les enfants, tout blonds, tressant la corde de leur fouet ; les vieilles, au fond des petites cuisines sombres, aux marches concassées, regardant d’un air de bienveillance ; les filles, curieuses, se penchant aussi pour voir : tout passait devant ses yeux sans pouvoir le distraire.

Il allait, regardant et regardé, songeant toujours à Sûzel, à sa collerette, à son petit bonnet, à ses beaux cheveux, à ses bras dodus ; puis au jour où le vieux David l’avait fait asseoir à table entre eux deux ; au son de sa voix, quand elle baissait les yeux, et ensuite à ses beignets, ou bien encore aux petites taches de crème qu’elle avait certain jour à la ferme ; enfin à tout : — il revoyait tout cela sans le vouloir !