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Page:Erckmann-Chatrian — L'ami Fritz (1864).djvu/179

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L’AMI FRITZ.

Ces idées n’étaient que des éclairs qui l’ennuyaient beaucoup ; il en détournait la vue, et s’indignait contre les gens capables d’avoir d’autres théories que celles de la paix, du calme et du repos, dont il avait fait la base de son existence. Et chaque fois qu’une idée pareille lui traversait la tête, il se hâtait de répondre :

« Quand notre bonheur ne dépend plus de nous, mais du caprice d’une femme, alors tout est perdu ; mieux vaudrait se pendre, que d’entrer dans une pareille galère ! »

Enfin, au bout de toutes ces excursions, entendant au loin, du milieu des champs, l’horloge du village, il revenait émerveillé de la rapidité du temps.

« Hé, te voilà ! lui criait le gros percepteur ; je suis en train de terminer mes comptes ; tiens, assieds-toi, c’est l’affaire de dix minutes. »

La table était couverte de piles de florins et de thalers, qui grelottaient à la moindre secousse. Hâan, courbé sur son registre, faisait son addition. Puis, la face épanouie, il laissait tomber les piles d’écus dans un sac d’une aune, qu’il ficelait avec soin, et déposait à terre près d’une pile d’autres. Enfin, quand tout était réglé, les comptes vérifiés et les rentrées abondantes, il se retournait tout joyeux, et ne manquait pas de s’écrier :