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Page:Erckmann-Chatrian — L'ami Fritz (1864).djvu/201

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L’AMI FRITZ.

— Oui, tu ne comprends rien au sentiment… à la vie du sentiment…

— À la vie du sentiment ? fit Hâan. Ah çà ! dis donc, tu veux te moquer de moi, Fritz… Ha ! ha ! ha ! je ne donne pas là-dedans comme le vieux rebbe Sichel… ta mine grave ne me trompe pas… je te connais !…

— Et je te dis, moi, s’écria Kobus, qu’il est injuste de reprocher à ces paysans de croire à quelque chose, et surtout de leur en faire un crime. L’homme n’est pas seulement sur la terre pour amasser de l’argent et pour s’emplir le ventre… Ces pauvres gens, avec leur foi naïve et leurs pommes de terre, sont peut-être plus heureux que toi, avec tes omelettes, tes andouilles et ton bon vin.

— Hé ! hé ! farceur, dit Hâan, en lui posant la main sur l’épaule, parle donc un peu pour deux ; il me semble que nous n’avons vécu ni l’un ni l’autre d’ex-voto et de pommes de terre jusqu’à présent, et j’espère que cela ne nous arrivera pas de sitôt. Ah ! c’est comme cela que tu veux te moquer de ton vieux Hâan. En voilà des idées et des théories d’un nouveau genre ! »

Tout en discutant, ils se disposaient à descendre, lorsqu’un faible bruit s’entendit près de la porte. Ils se retournèrent et virent debout, contre le