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Page:Erckmann-Chatrian — L'ami Fritz (1864).djvu/27

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L’AMI FRITZ.

sève nouvelle court dans vos membres, et que vous revoyez des choses cachées depuis cinq mois : le pot de fleurs de la voisine, le chat qui se remet en route sur les gouttières, les moineaux criards qui recommencent leurs batailles.

De petits coups de vent tiède soulevaient les rideaux de Fritz et les laissaient retomber ; puis, aussitôt après, le souffle de la montagne, refroidi par les glaces qui s’écoulent, lentement à l’ombre des ravines, remplissait de nouveau la chambre.

On entendait au loin dans la rue, les commères rire entre elles, en chassant à grands coups de balais la neige fondante le long des rigoles, les chiens aboyer d’une voix plus claire, et les poules caqueter dans la cour.

Enfin, c’était le printemps.

Kobus, à force de rêver, avait fini par se rendormir, quand le son d’un violon, pénétrant et doux comme la voix d’un ami que vous entendez vous dire après une longue absence : « Me voilà, c’est moi ! » le tira de son sommeil, et lui fit venir les larmes aux yeux. Il respirait à peine pour mieux entendre.

C’était le violon du bohémien Iôsef, qui chantait, accompagné d’un autre violon et d’une contrebasse ; il chantait dans sa chambre, derrière ses rideaux bleus, et disait :