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Page:Erckmann-Chatrian — L'ami Fritz (1864).djvu/285

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L’AMI FRITZ.

mille souvenirs attendrissants dans son âme, mais en ce moment il craignait de ne pas voir la petite Sûzel, et cela le désolait.

L’auberge devait être encombrée de monde ; car à peine la voiture eut-elle paru sur la place, qu’un grand nombre de figures se penchèrent aux fenêtres, des figures prussiennes à casquettes plates et grosses moustaches, et d’autres aussi. Deux chevaux étaient attachés aux anneaux de la porte ; leurs maîtres regardaient de l’allée.

Dès que la berline se fut arrêtée, le vieil aubergiste Lœrich, grand, calme et digne, sa tête blanche coiffée du bonnet de coton, vint abattre le marchepied d’un air solennel, et dit :

« Si messeigneurs veulent se donner la peine de descendre… »

Alors Fritz s’écria :

« Comment, père Lœrich, vous ne me reconnaissez pas ? »

Et le vieillard se mit à le regarder, tout surpris.

« Ah ! mon cher monsieur Kobus, dit-il au bout d’un instant, comme vous ressemblez à votre père ! pardonnez-moi, j’aurais dû vous reconnaître. »

Fritz descendit en riant, et répondit :

« Père Loerich, il n’y a pas de mal, vingt ans changent un homme. Je vous présente mon feld-