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Page:Erckmann-Chatrian — L'ami Fritz (1864).djvu/30

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L’AMI FRITZ.

On ne songeait à rien, quand un bohémien entra, les pieds nus dans des souliers troués ; il grelottait, et se mit à jouer d’un air mélancolique. Fritz trouva sa musique très-belle : c’était comme un rayon de soleil à travers les nuages gris de l’hiver.

Mais derrière le bohémien, près de la porte, se tenait dans l’ombre le wachtmann Foux, avec sa tête de loup à l’affût, les oreilles droites, le museau pointu, les yeux luisants. Kobus comprit que les papiers du bohémien n’étaient pas en règle, et que Foux l’attendait à la sortie pour le conduire au violon.

C’est pourquoi, se sentant indigné, il s’avança vers le bohémien, lui mit un thaler dans la main, et, le prenant bras dessus bras dessous, lui dit :

« Je te retiens pour cette nuit de Noël ; arrive ! »

Ils sortirent donc au milieu de l’étonnement universel, et plus d’un pensa : « Ce Kobus est fou d’aller bras dessus bras dessous avec un bohémien ; c’est un grand original. »

Foux, lui, les suivait en frôlant les murs. Le bohémien avait peur d’être arrêté, mais Fritz lui dit :

« Ne crains rien, il n’osera pas te prendre. »

Il le conduisit dans sa propre maison, où la table était dressée pour la fête du Christ-Kind,