Aller au contenu

Page:Erckmann-Chatrian — L'ami Fritz (1864).djvu/342

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
329
L’AMI FRITZ.

de la cuisine qui venait de tourner au soleil, la servante Mayel vidait son baquet de pelures au dehors ; quelques cris de poules et de canards s’entendirent, et le temps parut s’allonger de nouveau.

Kobus se forgeait mille idées ; il croyait voir Christel et Orchel refuser… le vieux rebbe supplier… Que sais-je ? Ces pensées se pressaient tellement, qu’il en perdait la tête.

Enfin, David reparut au coin de l’étable ; il n’agitait rien, et Fritz, le regardant, sentit ses genoux trembler. Le vieux rebbe, au bout d’un instant, fourra la main dans la poche de sa longue capote jusqu’au coude ; il en tira son mouchoir, se moucha comme si de rien n’était, et, finalement, levant le mouchoir, il l’agita. Aussitôt Kobus partit, ses jambes galopaient toutes seules : c’était un véritable cerf. En moins de cinq minutes il fut près de la ferme ; David, les joues plissées de rides innombrables et les yeux pétillants, le reçut par un sourire :

« Hé ! hé ! hé ! fit-il tout bas, ça va bien… ça va bien… On t’accepte… attends donc… écoute ! »

Fritz ne l’écoutait plus ; il courait à la porte, et le rebbe le suivait tout réjoui de son ardeur. Cinq ou six journaliers en blouse, coiffés du chapeau de paille, allaient repartir pour l’ouvrage ; les uns