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Page:Erckmann-Chatrian — L'ami Fritz (1864).djvu/94

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L’AMI FRITZ.

en bas, dans l’allée, le garçon de labour marchait d’un pas pesant ; il entrait dans la grange et ouvrait la lucarne du fenil, sur l’écurie, pour donner le fourrage aux bêtes. Les chaînes remuaient, les boeufs mugissaient tout bas, comme endormis, les sabots allaient et venaient.

Bientôt après, la mère Orchel descendait dans la cuisine ; Fritz, tout en écoutant la bonne femme allumer du feu et remuer les casseroles, écartait ses rideaux et voyait les petites fenêtres grises se découper en noir sur l’horizon pâle.

Quelquefois un nuage, léger comme un écheveau de pourpre, indiquait que le soleil allait paraître entre les deux côtes en face, dans dix minutes, un quart d’heure.

Mais déjà la ferme était pleine de bruit : dans la cour, le coq, les poules, le chien, tout allait, venait, caquetait, aboyait. Dans la cuisine, les casseroles tintaient, le feu pétillait, les portes s’ouvraient et se refermaient. Une lanterne passait dehors sous le hangar. On entendait trotter au loin les ouvriers arrivant du Bichelberg.

Puis, tout à coup tout devenait blanc : c’était lui… le soleil, qui venait enfin de paraître. Il était là, rouge, étincelant comme de l’or. Fritz, le regardant monter entre les deux côtes, pensait : « Dieu est grand ! »