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Page:Erckmann-Chatrian — L'ami Fritz (1864).djvu/98

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L’AMI FRITZ.

Quelquefois, l’après-midi, il détachait la nacelle et descendait jusqu’aux roches grises de la forêt de bouleaux. Il jetait le filet sur ces fonds de sable ; mais rarement il prenait quelque chose, et, toujours en ramant pour remonter le courant jusqu’à la ferme, il pensait :

« Ah ! quelle bonne idée nous avons eue de creuser un réservoir ; d’un coup de filet, je vais avoir plus de poisson que je n’en prendrais en quinze jours dans la rivière. »

Ainsi s’écoulait le temps à la ferme, et Kobus s’étonnait de regretter si peu sa cave, sa cuisine, sa vieille Katel et la bière du Grand-Cerf, dont il s’était fait une habitude depuis quinze ans.

« Je ne pense pas plus à tout cela, se disait-il parfois le soir, que si ces choses n’avaient jamais existé. J’aurais du plaisir à voir le vieux rebbe David, le grand Frédéric Schoultz, le percepteur Hâan, c’est vrai ; je ferais volontiers le soir une partie de youcker avec eux, mais je m’en passe très-bien, il me semble même que je me porte mieux, que j’ai les jambes plus dégourdies et meilleur appétit ; cela vient du grand air. Quand je retournerai là-bas, je vais avoir une mine de chanoine, fraîche, rose, joufflue ; on ne verra plus mes yeux, tant j’engraisse, ha ! ha ! ha ! »

Un jour, Sûzel ayant eu l’idée de chercher en