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Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/130

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Dans le milieu social comme dans le milieu de l’Univers, comme sur notre propre individu, nous établissons cette différence de matière et d’esprit suivant des données utopiques. Quand il s’agit de la société, nous désignons plus spécialement sous le nom de Force la puissance que nous pouvons connaître par les sens, et sous le nom d’Idée, celle dont nous nous rendons compte seulement par la pensée.

D’où il suit que l’armée, la population, les richesses et l’industrie d’une nation seront dites des forces. Tandis que son influence intellectuelle, philosophique, artistique, entraînante, socialisante sera réputée du domaine de l’idée.

Mais ce dualisme est aussi utopique ici que dans l’ordre universel. Car nos penseurs et nos actions réagissent sans cesse les unes sur les autres et s’enchaînent de manière à ce que nous ne puissions dire que les unes soient plutôt les causes que les effets des autres. Élevées à leur plus haute expression, elles se confondent. Employée par Napoléon, la Force ne fut-elle pas une idée ? Appliquée par Robespierre, l’Idée ne fut-elle pas une Force ? Et si, après avoir étudié un seul homme, nous observons l’humanité, si nous faisons la somme de ses idées et de ses actes, nous verrons que les uns provoquent les autres en vertu d’une solidarité forcée.

Le bras et le cerveau sont utiles à l’homme. La tête pense, le bras exécute. Mais toute action fait naître une pensée, et toute pensée produit un acte. L’être humain n’est complet que par le ressort de ce dualisme. Quand l’une des puissances opposées prédomine trop exclusivement en lui, il devient ou brutal par excès de force, ou nerveux par excès de pensée.

De même la force et l’Idée sont indispensables à l’Être social. Les révélateurs sont complétés par les conquérants.