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Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/153

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Civilisation qui se détache le mieux, dans le présent, sur le fond uniforme et lointain des temps et des milieux. L’apogée n’est, à proprement parler, qu’une création de la pensée, une ligne, un mot, un guide-âne pour notre raisonnement paresseux.

L’apogée, c’est le moment où une civilisation brille le plus : ce n’est pas le moment où elle est le plus solide : tout ce qui reluit n’est pas or. On se trompe certainement toutes les fois qu’on prend le mot d’apogée dans un autre sens que celui de relief. En effet......

Si l’on veut désigner par ce mot le moment de la plus grande puissance d’une nation, on se trompe : on oublie que c’est dans le temps même de leur brillante splendeur que les nations sont le plus près de leur ruine. — Veut-on dire que c’est le moment de leur plus grand bonheur ? on se trompe : on oublie que c’est alors même que le Privilège enfante le plus d’opulence qu’il enfante aussi le plus de misère. — Entend-on par le mot d’apogée le moment où les peuples conçoivent les plus grandes espérances ? on se trompe encore : car les peuples, comme les hommes, arrivés au haut de l’échelle de la vie, redescendent plus vite qu’ils ne sont montés. — Voudrait-on prétendre que ce fût le moment de leur gloire la plus éclatante ? on se tromperait toujours : on oublierait volontairement qu’il y a eu, dans la vie des peuples, des époques plus glorieuses que celle-là, on déchirerait sans respect les traditions nationales. — Fait-on du mot apogée le synonyme de fin ? on se trompe : un peuple ne meurt pas parce qu’il se transforme. — En fait-on le synonyme de commencement ? on se trompe encore : un peuple ne peut pas renier son origine. — Détache-t-on l’apogée de tous rapports dans le temps et dans l’espace ? on se trompe toujours : l’apogée a ses racines dans le Passé et ses efflorescences dans l’Avenir.