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Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/185

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une dignité de son genre ; le peuple russe a trop souffert pour avoir le droit de s’agiter pour une petite amélioration de son état ; il vaut mieux rester franchement un mendiant en haillons que de revêtir un habit rapiécé. Mais, s’il ne prenait aucune part dans le mouvement des idées qui occupait les autres classes, cela ne signifie nullement qu’il ne se passât rien dans son âme. Le peuple russe respire plus lourdement que jadis ; son regard est plus triste ; l’injustice du servage et le pillage des fonctionnaires publics deviennent pour lui plus insupportables. Le gouvernement a troublé le calme de la commune par l’organisation forcée des travaux ; on a emprisonné et restreint le repos du paysan dans sa cabane par l’introduction de la police rurale dans les villages mêmes. Les procès contre les incendiaires, les meurtres de seigneurs, les insurrections de paysans s’augmentèrent dans une grande proportion. L’immense population des dissidents murmure ; exploitée, opprimée par le clergé et la police, elle est bien loin de se rallier, et l’on entend parfois dans ces mers mortes et inaccessibles pour nous des sons vagues qui présagent des tempêtes terribles. Ce mécontentement du peuple russe dont nous parlons n’est point visible au regard superficiel. La Russie paraît toujours si tranquille qu’on a de la peine à croire qu’il s’y passe quelque chose. Peu de gens savent ce qui se fait derrière le linceul dont le gouvernement couvre les cadavres, les taches de sang, les exécutions militaires, disant avec arrogance et hypocrisie qu’il n’y a ni sang ni cadavres derrière ce linceul. Que savons-nous des incendiaires de Simbirsk, du massacre des seigneurs organisé simultanément par un grand nombre de villages ? Que savons-nous des révoltes partielles qui ont éclaté lors de l’introduction de la nouvelle administration de Kisselef ? Que savons-nous des