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Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/235

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de mon temps : on ne comble pas le gouffre des révolutions. Ce gouffre est toujours altéré de sang, toujours avide de chairs palpitantes ; il est immanent, permanent dans l’humanité, congénère à elle ; il engloutira le dernier homme comme il a englouti le premier. — Que les vieux partis bénissent les Cosaques et les invoquent pour sauver la Civilisation aux abois ; que les nouveaux les maudissent et les défient de pénétrer au cœur de l’Occident : les Cosaques n’en viendront pas moins sur Paris à leur jour, à leur heure, et n’en raseront pas moins ce que la terre se refuse à supporter davantage.


IV.   J’ai étendu tout autour de moi des bras désespérés. Et tout autour de moi et jusque sous mes pieds j’ai senti tout ébranlé par l’extrême division de la propriété et du capital par l’effrayante multiplication des convoitises et des détresses. J’ai vu que tous les hommes tendaient au Bourgeoisisme et toutes les classes à la Ruine. Et je me suis écrié : La plaie, la plaie grise est sur cette génération. Moi, chirurgien réprouvé, je la sonderai avec la férocité du juge qui digère ou du brigand à jeun. Alors, j’ai parcouru du regard les cimes des montagnes d’Orient et les arêtes des vagues lointaines dévorées par les feux du soleil levant. Et j’ai distingué avec peine une faible lumière, pareille à celle vers laquelle coururent les images d’Orient. Et alors, des profondeurs de mon âme, ce cri s’est échappé : « Il n’y aura plus de révolution en Europe tant que les Cosaques ne descendront pas. Qu’ils viennent et qu’il soient bénis ! Ne sont-ils pas nos frères ? »

La Révolution a deux faces, dont l’une est tournée vers le Passé, et l’autre vers l’Avenir. C’est le Janus antique qui vit toujours, en temps de paix comme en temps de guerre. Nos pères ont travaillé pour nous, et nous travaillons pour nos neveux ; l’œuvre de chaque génération