Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/301

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D’où résulte, dans l’esprit public, la négation et le mépris de toute hiérarchie constituée.

Notre luxe est homicide et mesquin, notre bonheur monotone, nos fantaisies prévues, nos écarts limités à la sphère de tolérance de la police ou de l’opinion ; il n’y a pas d’inspiration dans notre littérature, pas d’essor dans nos arts, pas de générosité dans nos cœurs ; nous ne nous entretenons de la chose publique que pour faire montre d’érudition ou d’éloquence. Tout ce qui tend à s’élever est impitoyablement rabaissé. Entre les plus fortunés, l’air, l’espace, la gloire sont répartis parcimonieusement : on taille sans pitié les ailes du génie. Pas n’est besoin à nos gouvernements de haute décadence de publier des édits de Cyrus et d’Aristodème pour contraindre les jeunes gens à la fainéantise, aux professions qui avilissent, à l’ignorance, à l’infamie. Les hommes d’aujourd’hui se fatiguent aux travaux et aux plaisirs des femmes ; ils étudient la science sociale dans les journaux ; par le temps qui se traîne, il faut des recommandations puissantes pour parvenir aux emplois de la police secrète. — Tout est sauvé, fors l’honneur !

Les petits des bourgeois sont saisis d’un priapisme littéraire et artistique énervant. Malingres, chétifs, facilement blasés en raison de leur faiblesse native, surveillés, effacés, courbés sous le triple joug de l’éducation, des préjugés et de la mode, voyant le monde à travers un lorgnon, se préservant avec un éventail de la bienfaisante chaleur du soleil, ils exhalent le souffle fiévreux de leur jeunesse hâtive dans les établissements de goinfrerie et de luxure où l’on est gentilhomme à bon marché, dans des feuilletons écœurants, sur quelque divan banal, au moyen de vins frelatés, de cartes fausses et de chevaux de rencontre. L’honneur, la vraie morale, les plus simples no-