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Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/441

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Ma haine et mon amour sont de même origine ; leurs racines nerveuses s’élèvent de chaque fibre de mon cœur déchiré ! En moi toute haine suppose un amour, comme toute médaille, un revers ; toute négation, une affirmation ; toute question, sa réponse. — Je hais infiniment parce que j’aime sans réserve !

La Révolution m’emporte vers des horizons lointains et terribles ; elle centuple la virtualité de mon être ; elle passe sur ma tête comme un souffle d’ouragan. — Et sur mes tempes qui battent, je sens mes cheveux s’allonger comme autant de serpents !

En ces années paisibles j’eusse traîné longtemps mes jours dans le cercle de famille. Mais en ces temps de déluge, il faut se mouvoir dans l’Humanité. Je vivrai plus ainsi. Eh ! qu’importe d’ailleurs la durée de la vie pour qui l’emploie sans réserve et sans calcul ! — Tout ce qui est, est immortel !

Je suis de ceux que les émotions font naître et mourir jeunes, de ceux qu’elles consument rapidement sur la terre et dans la tombe, dans le ciel et dans l’enfer !

Je ne saurais vivre indifférent pour les êtres qui m’entourent. Je les aime ou je les hais, commandant ainsi leur amour ou leur haine. — Car le cœur de l’homme est un abîme avare qui ne rend jamais que ce qui lui est donné !

Dans ce monde d’iniquité, je ne puis rien aimer comme je m’en sens la force : je suis contraint de haïr, hélas !

Et ma haine, c’est de l’amour, encore : l’amour de l’homme juste qui désespère, l’amour de l’homme libre forcé de vivre au milieu d’esclaves ; un amour non satisfait, immense, indéfini, généreux et général. — Amour qui brûle, amour qui tue !

Je suis l’amant de l’Avenir qui maudit le Présent. Je suis citoyen de l’Humanité qui souffre en Civilisation.