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Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/54

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Le peuple, le gros du peuple, les dédaignait d’abord et détournait la tête sur leur passage. Puis, un instant. il leur prêtait l’oreille comme à des fous plaisants. Enfin, rendu furieux par les princes des prêtres, les savants et les soldats, le peuple lapidait les prophètes, les crucifiait et les jetait dans les fosses avec des bêtes affamées. Et quand les prophètes étaient morts, le peuple ouvrait les yeux et les pleurait.

Les gens de leur pays ne les croyaient pas. Ils les avaient vu si petits et si faibles, qu’ils ne pouvaient s’imaginer qu’ils fussent devenus grands et forts. Ils leur portaient envie, cette envie sourde et muette des ignorants qui ne savent pas lire dans les âges futurs.

Les rois en avaient peur, car la responsabilité. des malheurs qu’ils prédisent retombent sur les têtes couronnées. Les rois les consultaient souvent ; mais épuisés bientôt par la Fatalité plus forte, ils ne pouvaient échapper aux poursuites de leur destinée.

Et tout ce que les Prophètes ont annoncé, le Temps l’a fait.....


Le travail fiévreux, les joies amères, les souffrances inspirées du prophète, je les connais. De toutes les gloires humaines, celle-là seule me tenterait qu’ils ont eue en partage. — À chacun son sort dans cette vie.

Il faut que je sois calomnié et poursuivi afin que l’aiguillon m’entre dans les chairs. Car je suis paresseux de nature. Et la tranquillité me rendrait plus paresseux encore.

Il faut que l’Envie, l’araignée du soir, passe et repasse sa toile d’oubli sur tout ce que je fais pour un long temps. Car je suis affectueux de nature. Et le succès me rendrait plus affectueux encore.

Il faut que partout l’asile paisible me soit refusé. Car je