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Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/153

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prononcé à la Convention quelques mois auparavant (2 décembre 1793). Il y affirmait déjà que comme le premier droit est celui d’exister, « la première loi sociale est celle qui garantit à tous les membres de la société les moyens d’exister. » Et il ajoutait : « Les aliments nécessaires à la vie de l’homme sont aussi sacrés que la vie elle-même. Tout ce qui est indispensable pour la conserver est une propriété commune à la société entière. Il n’y a que l’excédent qui soit une propriété individuelle et qui soit abandonné à l’industrie des commerçants. Toute spéculation mercantile que je fais aux dépens de la vie de mon semblable n’est point un trafic, c’est un brigandage et un fratricide. » En quoi il était d’accord avec le pacifique Necker. Nous voyons dès lors ce qu’est cette portion que la loi garantit. « D’après ce principe, quel est le problème à résoudre en matière de législation sur les subsistances ? Le voici assurer à tous les membres de la société la jouissance de la portion des fruits de la terre qui est nécessaire à leur existence (c’est la première portion) ; aux propriétaires et aux cultivateurs, le prix de leur industrie, et livrer le superflu à la liberté du commerce ; » voilà la seconde portion. En termes plus clairs, Robespierre a toujours voulu et les Jacobins avec lui, que l’Etat ait une réserve inépuisable pour l’assistance et les ateliers publics, qu’il assure un minimum de bénéfices au cultivateur et au petit commerçant, qu’il forme la réserve commune au moyen de taxes sur les riches, qu’il poursuive comme accapareurs et agioteurs les propriétaires, les commerçants et les industriels qui ont plus que le nécessaire, enfin que les électeurs pauvres soient salariés, à plus forte raison tout le personnel politique du bas au haut de l’échelle. C’est bien là le programme de la Convention. Si l’assemblée rejeta la rédaction de Robespierre et préféra celle de Condorcet, c’est qu’en présence de l’insurrection des