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Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/176

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pour reconstituer les ensembles d’où ils avaient été distraits ; toute leur masse dut suivre en se fractionnant sans cesse les ramifications généalogiques. Ces mesures sont contraires à l’esprit général de la législation révolutionnaire. Elles consacrent l’unité et l’homogénéité de la famille. Elles créent un cas de fédéralisme ! Elles ont leur origine d’abord dans la force de la tradition, puisque la plupart sont empruntées au droit coutumier ; ensuite dans la crainte qu’on avait de déconsidérer la Révolution en supprimant l’hérédité des biens, enfin dans le concours qu’elles apportaient aux vues égalitaires des législateurs s en favorisant la division des propriétés.

D’ailleurs, dans d’autres lois sur le même objet, l’individualisme se donna carrière. C’était une très belle conception que de faire reposer l’unité morale de la famille sur la libre volonte-de ses fondateurs et sur les affections naturelles. Malheureusement on fut tenté d’oublier pendant un temps que la volonté n’est pas le caprice, et que la raison publique doit être ici le garant et le témoin des engagements individuels. Saint-Just écrivait « L’homme et la femme qui s’aiment sont époux. » Il ne croyait la déclaration au magistrat nécessaire qu’en cas de naissance d’un enfant. On sait que Rousseau, après vingt-cinq ans de vie en commun et la naissance de cinq enfants qu’il s’était dispensé de déclarer au magistrat, célébra son mariage avec Thérèse par un discours et un dîner. Evidemment il passa quelque chose de cet esprit anarchique dans les lois sur le divorce de la Législative et de la Convention. La souveraineté de la passion tendait à remplacer la souveraineté de la loi inaugurée par le mariage civil. Par réaction contre l’indissolubilité du mariage religieux, la Convention rendit le divorce si facile qu’en l’an VI le nombre des ruptures légales surpassa celui des mariages. L’égalité de droits accordée dans les succes-