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Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/208

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d’un ton arrogant. Cette démarche atteste chez l’empereur un souvenir très personnel : est-ce que le père de Babeuf serait pour quelque chose dans le libéralisme et les sympathies françaises de Joseph II ?

Les mêmes influences avaient fait obtenir à L’Epine le commandement d’une brigade dans les gabelles. Il se maria à 60 ans et devint père d’une nombreuse famille. Mais soudain destitué de son emploi, il tombe dans la misère et est obligé de travailler comme terrassier aux fortifications de Saint-Quentin. Même dans cette détresse, il n’oublie pas sa grandeur passée. Son fils dit de lui : « Cet homme, fier comme un Castillan, se croyait riche et heureux, malgré sa profonde misère ; il n’allait jamais au cabaret, mais, aux grandes solennités, il endossait son brillant, uniforme qu’il avait conservé, au chapeau galonné d’or et à panaches, et ceignait alors suivant les circonstances ou sa Rouillarde en forme d’épée, suspendue à un large baudrier, ou sa Rollande, qui était un sabre énorme par son volume et sa largeur, et qu’il maniait cependant encore facilement à pied. » N’oublions pas ce galon d’or, ce panache, cette grande épée et ce grand sabre.

François-Noël Babeuf, naquit en novembre 1760. Son enfance fut misérable. Pourtant, à défaut de pain et de vêtements, il reçut de son père quelques leçons de mathématiques, de latin et d’allemand ; la culture générale du xviiie siècle, à laquelle il n’était pas étranger, ne put lui être communiquée que par ces leçons paternelles. « Voici, aurait dit à son fils le vieux major avant de mourir, voici le seul trésos que je puisse vous léguer ; c’est le grand Plutarque ; sa lecture a fait toute la joie et les malheurs de ma longue et pénible carrière. C’est à vous de choisir parmi les vies des hommes de l’antiquité, le rôle que vous désirez suivre… Pour moi, celui auquel j’aurais voulu le plus ressembler est Caïus Gracchus, quand même j’aurais