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Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/266

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peuple et où il n’y aura que lui[1]. » Et pourtant il ne pouvait songer ni à répudier les traditions de 1793, qu’il s’agissait précisément de renouer, ni à repousser l’aide des ex-conventionnels. Voici la solution qui fut donnée par Babeuf à ces deux questions capitales de tactique révolutionnaire.

Quant à la première, il n’hésita pas à exprimer hautement ses regrets d’avoir pu dans un moment d’égarement s’associer contre Robespierre et sa mémoire aux violences de Thermidor. Ce qui lui paraît à recueillir dans l’héritage de Robespierre, c’est d’abord son programme égalitaire, c’est sa résolution de ne souffrir dans la République ni riches ni pauvres ; c’est ensuite l’exemple qu’il a donné d’un Gouvernement révolutionnaire, d’un pouvoir absolu prêt à faucher tous les opposants, exercé au nom de la volonté présumée du peuple ; c’est enfin le prestige de son nom qui est une force. Sur ce point essentiel, la preuve est indispensable : voici une lettre de Babeuf à Bodson où se voient en pleine lumière les leçons de dictature et de socialisme que Babeuf puisait dans la vie et les discours du plus pur des Jacobins. « Je confesse aujourd’hui de bonne foi que je m’en veux d’avoir autrefois vu en noir et le Gouvernement révolutionnaire, et Robespierre, et Saint-Just. Je crois que ces hommes valaient mieux à eux seuls,

  1. Le choix d’un tailleur, d’un menuisier et d’un sellier comme hôtes et du Comité insurrecteur est la conséquence de ces maximes. Dans une circulaire aux agents d’arrondissement, datée du 26 germinal, le secret, très probablement par la plume de Babeuf, car les expressions sont très semblables, avait déclaré « que le peuple ne fera jamais rien de grand que quand il ne se mêlera dans son mouvement aucun gouvernant quelconque ; il faut, dans cette grande entreprise, avoir soin d’écarter tout ce qui n’est pas du peuple. » Les Conventionnels « ont déjà tâté du pouvoir, ils ont bu dans sa coupe… Il faut des hommes neufs, purement sans-culottes, de véritables hommes du peuple. » D’apres Robiquet, Babeuf et Barras, Revue de Paris du 1er mars 1896.