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Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/289

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personnel était soumis à l’inspection de deux surveillants, Darthé et Germain : « C’était eux que le directoire secret chargeait des commissions les plus difficiles dont ils s’acquittaient avec l’exactitude et avec le courage qui décèlent une profonde conviction et un entier dévouement. » Germain se multipliait. Quant à Darthé, il est dépeint par Buonarroti comme « infatigable et intrépide, habile à faire passer dans l’âme de ceux qui l’écoutaient la chaleur de la sienne, à réprimer les élans trop précipités, et à concilier les nuances d’opinion, » comme excellant enfin « à encourager et à réunir les amis de l’égalité et à découvrir ceux qui pouvaient le mieux en servir la cause[1]. » Il pensait retrouver bientôt les beaux jours d’Arras.

Le secret sur ces opérations pouvait être gardé à la rigueur et par là la conjuration restait dans les cadres classiques que les chefs avaient évidemment devant les yeux ; mais ils étaient de leur temps et, profondément attachés au dogme fondamental de la Révolution : que l’impulsion politique doit venir du peuple, que tout doit se faire pour le peuple et par le peuple, que le peuple ne peut être mis en mouvement que par l’ascendant de grandes vérités que quelques sages proposent à sa raison, ils éprouvaient le besoin de parler au peuple, de le convaincre, de le précipiter vers l’action par une propagande retentissante, et croyaient en un mot terminer la Révolution par une de ces journées plus oratoires que militaires qui en avaient marqué les dernières étapes. Or on ne prépare pas dans le secret, surtout par de tels moyens, une grande démonstration populaire. Après avoir retracé le tableau de l’organisation souterraine que nous venons de

  1. Mais il se confiait imprudemment à un agent de la police, nommé Armand, qui connaissait toutes ses démarches. Archives nationales, F. 7, 2476.