Aller au contenu

Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/317

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


V


LES « PRINCIPES »


Babeuf croit comme on l’a cru au xviiie siècle et comme le croient encore quelques-uns de nos contemporains qu’on peut tirer les règles d’action en politique d’un petit nombre de propositions évidentes enchaînées logiquement : sa politique est rationaliste, géométrique, et, par là, encore cartésienne dans sa forme, quoique non métaphysique dans son contenu. Si de nos jours, dans une réunion publique, un homme qui a longuement étudié la nature de l’action individuelle et collective, était invité à s’expliquer sur les fondements de la propriété et en général sur les principes du droit, il est probable que notre philosophe se récuserait vivement et conseillerait à ses concitoyens de passer à l’ordre du jour sur la question particulière objet de la réunion. Nous commençons à comprendre que c’est une duperie de prétendre enfermer dans cette courte géométrie les impulsions infiniment multiples en grande partie inconscientes et d’origine lointaine qui luttent pour déterminer l’action dans une volonté sociale donnée. Nous tendons à admettre que le droit n’est pas un système d’idées abstraites, qu’il ne relève pas de l’ordre logique. Il n’en allait pas de même au xviiie siècle. Tous les esprits cultivés, si peu que ce fût, étaient prêts à argumenter sur les affaires publiques au nom d’un système, c’est-à-dire d’un petit cercle de syllogismes qu’on pouvait exposer en quelques phrases. Babeuf a le sien qu’il a emprunté à la philosophie du siècle, et de