Aller au contenu

Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/329

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le bonheur commun, but de la société. » Cette doctrine était inscrite dans l’acte insurrecteur, et Buonarroti l’expose à son tour avec une méthode et une clarté qui ne laissent rien à désirer.

C’est le communisme. Nous citons de préférence les formules de Babeuf, parce qu’elles présentent l’idée sous sa forme originale, et parce qu’elles nous permettent de mieux voir quelle en est la source prochaine. Cette idée n’est pas empruntée à quelque utopie célèbre, comme celle de Morus ; Babeuf, qui cite ses auteurs, nous montre par son silence qu’il ne connaît pas Morus. Elle se trouve chez Morelly. Mais si, depuis 1755, le Code de la Nature n’était pas complètement oublié, la communauté des biens avait été peu à peu reléguée parmi les rêves irréalisables et le programme des révolutionnaires les plus avancés était l’égale répartition entre tous les citoyens de la propriété territoriale. Babeuf s’y arrêtait en 1791. L’idée d’une administration publique des choses, d’une gérance gouvernementale universelle de tout ce qui de près ou de loin peut intéresser l’alimentation d’un peuple, a dû être rajeunie et ravivée par un ensemble de faits récents, à savoir l’établissement par le gouvernement révolutionnaire en 1793 d’un service public des subsistances, dans lequel Babeuf avait figuré comme fonctionnaire, et l’organisation dans des proportions inconnues jusque-là d’un autre service public suffisant à l’entretien de douze armées. À cette époque, nul n’était assuré d’échapper aux étreintes de la faim que s’il était militaire ou fonctionnaire de l’Etat, ou s’il prenait part, grâce à un certificat de civisme, aux distributions faites par les soins de l’Etat, ou plus indirectement s’il évitait avec ses concitoyens, par l’effet des lois sur le maximum, le renchérissement terrible des objets de première nécessité, si l’Etat enfin pourvoyait à l’approvisionnement des marchés par