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Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/349

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oisifs jusque là, envoyés pour partager ses travaux, viendraient grossir les petites agglomérations agricoles sans les encombrer.

L’uniformité qui régnera dans les habitations, régnera aussi dans les vêtements. Les citoyens porteront par ordre des costumes différents selon le sexe, l’âge et la fonction ou la classe. Les riches se plaindront, mais qu’importe, si les pauvres sont contents ? Comment mettre en balance les « murmures d’une poignée d’usurpateurs » avec les bénédictions de tout un peuple ?[1] Le peuple français se distinguerait aussi des autres peuples par un costume spécial.

Tout le commerce intérieur sera supprimé, sauf la vente en détail. Le directoire insurrecteur avait sans doute oublié cette restriction lorsqu’il résolut aussi d’arrêter la fabrication de la monnaie et décréta : « Tout membre de la communauté nationale qui reçoit un salaire ou conserve de la monnaie est puni. » Un commerce de détail est difficile à concevoir sans monnaie. Nous verrons comment le commerce intérieur devait être remplacé. Quant au commerce extérieur, il est, comme dans la Cité de Campanella, dans celle de Morus et celle de Platon, réservé à l’Etat : « Les marchandises qui proviendraient de celui que tenteraient les particuliers, seront confisquées au profit de la communauté nationale : les contrevenants seront punis. » Des mesures de défiance exceptionnelles seront prises pour préserver des tentations les agents de l’administration suprême chargés de surveiller les entrepôts que l’Etat créera pour ce commerce ; ces agents seront souvent changés. Pour empêcher les échanges de particulier à particulier et aussi de citoyens à étrangers, « il ne sera plus introduit dans la République ni or ni argent[2]. » La

  1. I, p. 226 et II, p. 330, 331.
  2. Projet de décret économique, Buonarroti, t. II, p. 314, 315, 316, et t. I, p. 216.