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Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/359

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l’agriculture et des arts, parce que le travail, qui est la dette commune, est aussi le frein des passions, le besoin et le charme de la vie domestique ; elles seront pudiques, parce que la pudeur est le gardien de la santé et l’assaisonnement de l’amour ; elles aimeront la Patrie, parce qu’il importe qu’elles la fassent aimer aux hommes et elles participeront par conséquent aux études propres à leur faire aimer la sagesse de ses lois ; elles seront exercées au chant des hymnes nationaux qui doivent embellir nos fêtes ; enfin elles prendront part, sous les yeux du peuple, aux jeux des garçons, afin que la gaieté et l’innocence président aux premiers mouvements de l’amour et soient les avant-coureurs des unions prochaines. » Voilà de quoi s’occupaient dans leurs conciliabules ces hommes qui se préparaient avec le plus grand soin à mettre Paris à feu et à sang : on ne s’attend pas à trouver tant de pédagogie dans une conspiration[1].

En un sens l’éducation dure toute la vie, et un gouvernement tel que le concevaient les conjurés n’avait pas mtoins à se préoccuper de former l’opinion chez les adultes que de pourvoir à, l’institution de l’intelligence et du cœur dans la jeunesse. Ils accordaient dans cette vue une haute importance aux fêtes générales et locales ; c’était avec une sorte d’ivresse qu’ils se livraient à des projets de jeux variés et de spectacles grandioses ou touchants que l’administration eût réglés comme le clergé règle les cérémonies du culte. Toute cette figuration faisait partie de la tradition de Rousseau et de Robespierre[2]. Selon cette

  1. Buonarroti était un esprit très cultivé ; il avait suivi à l’université de Pise les leçons de Sardi et de Lampridi, fervents adeptes de la philosophie du siècle, qui l’avaient initié aux doctrines de Locke, de Hume, de Condillac, de Rousseau, de Mably et d’Helvétius. Article d’Hauréau, Journal du Peuple du 1er oct. 1837.
  2. « La divinité, les grands phénomènes de la nature, les arts utiles, les vertus, les révolutions politiques favorables à l’humanité, et les grands hommes qui l’ont servie et honorée étaient les