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Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/361

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de la morale civique. Les croyances entretenues jusque là par les religions « prétendues révélées, » eussent été « reléguées par les lois parmi les maladies dont il fallait extirper graduellement les semences. » Mais les dogmes de l’existence de l’Etre suprême et de l’immortalité de l’âme sont essentiels au maintien de la société, car « il lui importe que les citoyens reconnaissent un juge infaillible de leurs pensées et de leurs actions secrètes que les lois ne peuvent atteindre et qu’ils tiennent pour certain qu’un bonheur éternel sera la suite nécessaire de leur dévouement à l’humanité et à la’Patrie. « Ainsi les théoriciens de la conjuration, qui voulaient, disaient ils bannir la théologie de l’éducation, liaient les principes de la conduite politique à ceux de la métaphysique traditionnelle, sans voir qu’ils faisaient exactement la même chose que les théologiens. Cette orthodoxie politico-religieuse est celle que Rousseau recommande au livre IV du Contrat social. Après lui Robespierre dut au courage avec laquelle il la défendit, la sanglante proscription dont il fut la victime[1]. » C’est la religion naturelle donnant la main au droit naturel. C’est une atténuation du protestantisme, comme le protestantisme était une atténuation du christianisme historique. Faut-il nous étonner que cette religion, bien que dépouillée des dogmes que la révélation chrétienne y avait joints et réduite à son fonds Platonicien primitif, soit invoquée concurremment avec le sensualisme du xviiie siècle, en faveur de l’individualisme absolu et porte encore une fois les fruits que nous l’avons vue donner dans la politique de Platon, dans la politique de l’Eglise, enfin dans la politique de Rousseau ? Devrons-nous nous étonner davantage de voir, au cours du xixe siècle, ce même spiritualisme

  1. Tome I, p. 255.