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Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/369

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sous ces dispositions. Le cas où les assemblées périodiques demandent le remaniement de la Constitution, n’est pas le seul qui ouvre la porte à des changements graves dans ce que Buonarroti appelle l’économie sociale. Nous avons signalé la création projetée d’un corps de Conservateurs de la volonté nationale et nous ne lui avons assigné qu’un rôle, celui de recueillir les actes des assemblées de souveraineté et de proclamer la volonté du souverain, en d’autres termes de promulguer les lois. Dans la pensée du comité insurrecteur, un autre rôle bien plus important lui était réservé. « On comptait en outre faire de ce corps une espèce de tribunat, chargé de veiller à ce que les législateurs, abusant du droit de rendre des décrets, n’empiétassent pas sur la puissance législative, » c’està-dire sur la volonté souveraine. Dans ce cas, il devait en appeler au peuple. Il était donc l’interprète préventif de la volonté du peuple ; il faisait parler le souverain. « Je ne me souviens pas, ajoute Buonarroti, qu’on eût pris un parti à l’égard du nombre des Conservateurs et de la durée de leurs fonctions ; mais je me rappelle fort bien qu’on était convenu d’engager le peuple à les tirer par ses suffrages immédiats du corps des sénateurs[1]. » Or les sénateurs eussent été choisis au début en chaque arrondissement parmi les chefs ou les partisans de la révolution victorieuse. Donc le comité insurrecteur était sûr d’entrer tout entier, s’il le voulait, dans le corps des conservateurs de la volonté nationale. C’était très probablement sous cette forme et avec ce titre que le comité se réservait de rester au pouvoir, de garder la haute main sur les diverses assemblées et d’intervenir quand il le voudrait en arbitre suprême pour donner le signal de la révision. Quel rôle y eût joué Babeuf ?

  1. Tome I, p. 265.