Aller au contenu

Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/372

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les offices d’humanité et de fraternité que tous les peuples se doivent réciproquement. » Voici comment. Ce serait évidemment un grand bienfait que d’offrir aux peuples encore asservis à des gouvernements monarchiques l’exemple éclatant d’une république forte, fondée sur l’égalité et la liberté. Or la République française ne peut prospérer que par l’éloignement de la foule d’étrangers que ses ennemis du dehors ne manqueraient pas s d’envoyer chez elle « pour y semer la discorde et y créer des factions. » C’est donc par esprit dé cosmopolitisme qu’il faut exclure soigneusement du territoire français les citoyens des autres nations. L’argument rappelle celui que nous avons rapporté plus haut en faveur de la dictature : c’est pour rendre hommage à la souveraineté du peuple, que la dictature sera instituée ! Buonarroti abuse de la finesse. Les défenses faites aux étrangers de paraître dans la nouvelle république s’expliquent simplement par ce fait que la France, en guerre depuis longtemps avec tous les Etats de l’Europe, s’était désaccoutumée de voir chez elle des natifs des autres pays et que, chose nouvelle, leur présence excitait partout un étonnement inquiet et irrité. Fière de sa révolution, elle méprisait les autres nations encore pliées sous le joug ; dans le langage du temps tout soldat ennemi était un esclave. Babeuf, comme d’ordinaire, partageait le sentiment général. Faut-il ajouter que Platon, Morus, Campanella, Morelly (alors Diderot), avaient redouté l’invasion des étrangers comme pouvant introduire dans la population pacifique de mauvaises mœurs, des diversités et des divisions fâcheuses ? Le ressouvenir des lieux communs antiques qui attribuaient la perfection à l’isolement et à la pure unité et voulaient qu’une nation prospère se passât de toutes les autres, a dû être présent à l’esprit de notre historien, puisque nous le voyons, précisément à l’occasion du commerce extérieur, invo-