Aller au contenu

Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/384

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

discutèrent librement les moindres détails de l’instruction et de la jurisprudence adoptée pour la direction des débats. Babeuf prit dès le début et garda dans ses interpellations incessantes au président un ton de hauteur tel, que celui-ci dut lui déclarer un jour que la direction des débats lui avait été abandonnée trop longtemps et qu’il la reprenait. On ne peut imaginer avant d’avoir lu le fastidieux compte rendu sténographique qui occupe quatre volumes de petit texte, combien le chef de la conjuration fut arrogant, pointilleux, pédantesque dans ces discussions, sans que la plupart du temps les difficultés qu’il soulevait eussent le moindre intérêt pour sa défense et celle de ses coaccusés[1]. Ajoutez à cela que grand nombre des prévenus et la faveur d’un public plus nombreux encore, enraient en clameurs les murmures et les protestations indignées qui accueillaient la parole du ministère public et celle même du président, que souvent les passions furent si excitées et le désordre si intense que la Haute cour dut se retirer pour attendre la fin de ces scènes de tumulte, que les incidents de toute sorte à écarter et les questions accessoires à juger au milieu du plus ardent conflit se renouvelèrent chaque jour pendant les soixante-six séances presque constamment, qu’enfin les accusés eurent jusqu’au bout l’attitude d’accusateurs et traitèrent le gouvernement et les magistrats avec mépris et vous aurez la physionomie de ce procès exceptionnel, qui n’aurait pas abouti sans l’emploi fréquent de la force, mais qui a exigé aussi une énergie morale peu commune de la part de ceux qui ont tenu tête, non sans péril, à une si menaçante rébellion.

Les conjurés partaient de ce sentiment, très profond chez eux, qu’étant la Révolution, ils étaient sacrés et ils ne

  1. Voyez par exemple la discussion souvent renouvelée sur l’ordre dans lequel les témoins devaient être entendus.