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Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/82

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ont suscité l’espoir de changements plus rapides encore : une fois de plus, on a cru qu’on allait s’élancer dans l’absolu, et boire tout le bonheur social d’un trait dans la coupe de la fraternité. De 1830 à 1848, l’exaltation, le vertige millénaire atteignirent un tel degré qu’on se serait cru revenu au temps des anabaptistes. Les mêmes effets suivent les mêmes causes.

Cependant il s’en faut que jusqu’ici, et s’il n’est pas destiné à consommer lentement par la ruine des nations l’unité de la vieille Europe, le socialisme soit aussi redoutable dans le monde moderne que dans le monde ancien. Les crises produites par des essais de retour au régime primitif de la propriété ont été mortelles aux corps sociaux dans l’antiquité ; elles ont été seulement, depuis le xvie siècle, des « accidents » déformation ou de transformation ; elles sévissent par intervalles, elles paraissent prendre une forme périodique. La démocratie s’entrave dans cette antique illusion à chacune de ses étapes. Mais, après la révolution de 1848 comme après celle de 1789, le socialisme utopique a été oublié. À chaque fois, il s’était promis la conquête du monde et l’installation définitive. À chaque fois, il a subi une défaite, entraînant dans sa chute les libertés publiques. La propriété individuelle tient aux entrailles de la société moderne, et, quand elle la croit menacée, il n’est point de sacrifice auquel elle ne soit prête pour la défendre. C’est une conquête définitive de la civilisation.


III


Une expérience nouvelle se tente en ce moment. D’autres que nous en feront l’histoire ; c’est le présent, il ne nous