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Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/93

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sophes de ce temps autre chose que des précurseurs du socialisme moderne[1].

Si nous parvenons à montrer l’unité et la continuité du mouvement, alors sa parenté avec les mouvements similaires antérieurs et postérieurs apparaîtra à tous les yeux. Essayons de tracer les grandes lignes de cette démonstration.


II


Disons d’abord que la propriété dont il s’agit est la propriété territoriale. La grande industrie commençait à peine. Son essor ne date en France que de la multiplication des machines[2]. De même que l’économie politique française, dans la seconde moitié du xviiie siècle, est surtout une théorie de la richesse agricole ; de même les doctrines sociales d’alors en notre pays visent un changement dans le régime de la propriété des terres[3]. C’est ce qui établit une différence réelle entre le socialisme du xviiie siècle et celui du siècle présent. Est-ce

  1. Nous sommes heureux d’avoir pu utiliser pour cette revue des doctrines sociales du xviiie siècle l’ouvrage de M. Lichtemberger « Le Socialisme au, xviiie siècle » (Paris, 1895), qui est si complet et d’une si exacte érudition ; mais nos conclusions ne sont pas les siennes.
  2. Vers 1782 on voit paraître en France çà et là quelques pompes à feu qui servaient à l’épuisement des mines envahies par l’eau, et en 1790 on mentionne à Paris des machines à feu employées à la mouture du blé. L’application de la machine à vapeur à l’industrie est encore, à la fin du xviiie siècle, un fait isolé et exceptionnel.
  3. Pendant toute la Révolution, ceux qui se défendaient de professer ce que nous appelons le socialisme, affirmaient qu’ils ne voulaient pas de lois agraires. Le régime de la propriété territoriale était alors la préoccupation dominante.