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Page:Espronceda - L’Étudiant de Salamanque, trad. Foulché-Delbosc, 1893.djvu/43

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— L’étudiant endiablé, don Félix de Montemar », — répondit l’homme au capuchon.

« Tu mens, farceur. — Non, certes. — Alors, dites-moi qui je suis, s’il vous plaît, car je ne comprends pas comment je suis, en même temps, ici vivant, et là mort.

— « Je ne vous connais pas. — Pardieu, si je me fâche, je te ferai pleurer tes moqueries de telle sorte qu’une autre fois tu reconnaîtras Montemar.

« Maraud !… mais ce n’est qu’une illusion des sens, le monde va à l’envers, les diables s’amusent à me faire faire des faux pas.

« Ce fanfaron de don Diego ! La peste soit de ses mensonges ! Quand il est tombé mort, il s’en est allé aussitôt en enfer raconter qu’il m’avait tué ! »

Parlant ainsi il éclata de rire et tourna dédaigneusement le dos : il frisa sa moustache, assura son épée, et s’approcha de la dame dévote.

« Mais enfin, où demeurez-vous ? Car il se fait tard, madame. — Tard, pas encore ; il le sera dans une heure. — Vous dites vrai, il sera plus tard que maintenant.

« Cette voix dont vous voulez m’effrayer me fait vous aimer davantage : j’ai fait mon deuil du salut de mon âme, jugez si je me soucierai de Dieu et de Satan.

« — Chaque pas que vous faites vous approche de la mort, don Félix. Ne tremblez-vous pas ? Votre cœur ne vous dit-il pas que vous allez à la mort ? »

Ainsi parla la femme, d’un ton mélancolique et sombre, et ses sourds accents, résonnant aux oreilles de l’impie, rugirent dans la voix du vent tempétueux.

Les pierres choquèrent les pierres, la terre retrembla sous ses pas, les oiseaux de nuit se rassemblèrent et il sentit leurs ailes l’effleurer.