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Page:Esquiros - Paris ou les sciences, tome 1.djvu/194

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lié au regard de son maître, dont il suit les ordres sans résistance. Qu’est devenu cet ancien ours à front bombé, ce solitaire des cavernes de la vieille Allemagne (ursus spelœarctus), ce roi de la destruction et du carnage, devant lequel tremblait toute la nature ? Vous pouvez voir ses descendans au fond de cette fosse basse, où ils traînent maintenant leur ennui et leur souveraineté déchue. Sous la main de son vainqueur, cet ancien tyran du Nord a même pris dans la captivité les vices et les bassesses de la servitude. Toutes ses actions portent l’empreinte d’un avilissement auquel il s’est formé lui-même pour plaire à ses maîtres et pour contenter sa gourmandise. La couronne de l’ancien monde est tombée de son front, qui montre à nu les flétrissures de l’esclavage. Où est sa vieille et sauvage majesté ? On lui dit de sauter, et il saute ; d’étendre la patte, et il l’étend ; de saluer, et il salue ; de monter à l’arbre, et il y monte. Nous le voyons étaler gauchement et de mille manières ses gentillesses d’ours, le tout pour un chétif morceau de pain ou de gâteau dont il console son appétit vorace. Devant la déchéance de cet antique dominateur du règne animal, si cruellement humilié par son vainqueur, on sent que la nature tout entière a changé de maître. La seconde moitié du Muséum d’histoire naturelle va nous montrer à chaque pas un monde nouveau en miniature, qui est le monde de l’homme.

Ce Muséum n’est-il pas lui-même l’ouvrage du maître actuel de la création ? Cet établissement ingénieux, où les productions de la nature ancienne et