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Page:Esquiros - Paris ou les sciences, tome 1.djvu/199

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dans nos théâtres, de trop récens et de trop célèbres exemples de cette puissance de l’homme sur la nature, même sur la nature sauvage et carnivore, pour admettre le doute à cet égard. Il n’y a presque pas d’animal qui ne reçoive à la longue notre action ; et qui, après avoir courbé sa tête sous nos chaînes, ne plie ensuite son caractère sous notre volonté.

Entrons plus avant dans cette ménagerie dont la bienveillance d’un professeur nous a ouvert la porte et les mystères. Le moment le plus curieux pour visiter cette sauvage demeure est celui ou les animaux prennent leur nourriture. Il est environ trois heures. Les préparatifs de cette scène brutale se font dans le long corridor où règnent les loges intérieures de la ménagerie. Ces loges sont vides, leurs hôtes étant occupés sur le devant à recevoir la visite du soleil et du public. Le gardien paraît : il voiture une brouette chargée de viande crue ; ce sont les débris dépécés d’une vache qu’on vient d’abattre dans la boucherie du Jardin des Plantes. La grille de chaque loge est ouverte à la clef : le gardien y dépose un quartier de chair dont la grosseur est mesurée sur l’appétit bien connu de ses hôtes. Cet appétit varie selon les individus ; il existe en ce moment une lionne qui consomme dix-neuf livres de viande par jour, tandis qu’une autre vit avec la moitié de cette ration. Un telle faim difficile à assouvir est pour ces animaux, dans l’état sauvage, comme pour les hommes dans certaines classes de la société, un don funeste qui les condamne à des privations immenses et à des fatigues inouïes en vue de se procurer leur subsistance. Une fois que