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Page:Esquiros - Paris ou les sciences, tome 1.djvu/412

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les nuances de ce caractère puissant, et donne à son style une empreinte tour-à-tour si onctueuse et si amère. Quelqu’un s’étonnait, un jour, de voir de telles pages attendrissantes et poétiques sortir de la tête de ce petit homme sec. Nous lui répondîmes de considérer la vigne dont le bois frêle, aride et nu, donne le plus beau et le plus succulent des fruits. La littérature paraît aujourd’hui divisée entre deux écoles rivales et intolérantes, dont l’une représente surtout le spiritualisme, et l’autre le matérialisme dans le style. On peut préjuger, par la seule organisation de M. de Lamennais, la place qu’il tient dans cette lutte. L’auteur de l’Essai sur l’indifférence voit la nature en lui-même : il la voit dans cette création intérieure que la pensée de l’homme réalise, vaste et idéale comme elle, comme elle flottante entre l’âme et Dieu. Les impressions du milieu extérieur se gravent lentement et tardivement dans le cerveau de M. de Lamennais presque sans le secours des sens et par le mouvement même de ses idées. En 1833, M. de Lamennais était passé devant l’Italie, comme devant un songe : il n’avait vu dans cette contrée de soleil, de monumens et de splendeurs profanes, profanes, qu’une grande question religieuse. Dix ans plus tard, étant en prison, il repassait dans ces lieux enchantés avec ravissement : « Je commence à voir l’Italie, disait-il à ses amis ; c’est un pays admirable ! » Il est à remarquer d’ailleurs que M. de Lamennais a de mauvais yeux ; sa faible vue ne soulève qu’à la longue et par un sens interne le voile abaissé entre lui et le monde extérieur. L’absence de tous les