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Page:Estève - Leconte de Lisle, Boivin.djvu/150

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LECONTE DE LISLE

tion publique par les efforts combinés de Pierre Lebrun, de Scribe et d’Alfred de Vigny. Mais ces maigres subsides ne pouvaient rétablir une situation depuis longtemps obérée. Le 1er septembre 1856, c’est le secrétaire perpétuel de l’Académie française, Villemain, qui, à son tour, fait appel, en faveur du lauréat de l’illustre compagnie, à la puissante influence du sénateur impérial : « Je viens de voir M. Leconte de Lisle… Il est fort malheureux, et il en porte la trace visible il est fort maigre et pâle, comme un homme qui n’a pas souffert seulement de chagrin. Je sais que le prix Lambert (1.000 francs) n’éteindra pas tout à fait sa dette principale, qui est une dette pour premiers besoins de logement et de nourriture. Un acompte sera accepté sur cette dette, et lui laissera pour usage immédiat le reste du prix. Mais ce sera bien peu, et bientôt absorbé, quoiqu’il n’y ait, j’en suis assuré, nul désordre, nulle dépense de fantaisie. Mais le nécessaire, le plus indispensable nécessaire n’est pas assuré. Les Poésies nouvelles, tirées à 500 exemplaires, sont presque épuisées, mais sans produit pour l’auteur. Il n’y a nul travail utile en perspective. Et le découragement est grand, comme la souffrance, et m’a été expiremé simplement et noblement. » Villemain concluait en pressant son ami d’obtenir du ministre ce qu’il appelait, voilant de médiocre latin la misère des choses, aurum honorarium aut potius alimentarium, la pension de quinze cents ou deux mille francs qui mettrait le poète à l’abri des besoins les plus immédiats. Pierre Lebrun tarda peut-être à se mettre en campagne. Toujours est-il que, le 9 octobre, il recevait, de Leconte de Lisle aux abois, la supplique suivante, qu’il n’est pas possible d’appeler autrement qu’une demande de secours :


Pressé de tous côtés, et ne trouvant plus d’issues, momentanément du moins, pour échapper à des embarras cruels et multipliés, je me vois contraint, Monsieur, d’avoir recours à votre appui doublement puissant. Si je souffrais seul, je subirais avec résignation, comme je l’ai déjà fait longtemps, la fortune contraire mais je suis sans forces désormais.

Oserais-je donc vous prier de m’aider à obtenir du ministère de l’Instruction publique une somme de 500 francs sur les fonds destinés aux lettres ? Cette allocation me permettrait d’attendre, et je vous serais vivement reconnaissant d’avoir contribué puissamment à soulever un peu mon fardeau.