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Page:Estève - Leconte de Lisle, Boivin.djvu/62

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LECONTE DE LISLE

Alimente jamais l’arbre de liberté :
La divine amitié, l’ambition féconde,
La justice et l’amour transfigurent le monde !
Et de la profondeur de l’éternel milieu,
Du pô)e couronné de son cercle de feu.
Des monts, des océans, des vallons, de la plaine,
De l’humanité sombre encore, et d’ennuis pleine,
Mais radieuse et belle en ce jour glorieux,
Des fertiles sillons, des calices joyeux,
De ma lèvre entr’ouverte et d’amour animée,
Caressant d’un baiser ma planète embaumée,
Dieu, Dieu que tu cherchais, pauvre esprit aveuglé,
Dieu jaillira de tout, et Dieu t’aura parlé !


Le Voile d’Isis est une leçon à l’usage des rois. Le « thérapeute » qui fait ses dévotions dans le temple de Saïs entendez le fidèle de la religion nouvelle, de la religion de l’avenir, vante le bonheur de ceux qui sont initiés aux mystères de la déesse. Survient le Pharaon — mettons, si vous voulez, que le Pharaon ce soit Louis-Philippe. Gonflé de sa puissance et de sa gloire, il veut forcer les portes du sanctuaire et monter sur l’autel. Mais le thérapeute ne se laisse pas émouvoir. Il barre la route à cet orgueilleux, et au trouble de son cœur il oppose la sérénité de « l’homme obscur, couronné de justice », qui lit dans le ciel comme dans un livre et connaît le secret des temps futurs :


Il sait, il voit ! — Au loin, plus heureuse et plus belle
Aux desseins créateurs cessant d’être rebelle,
L’humanité surgit à ses yeux étonnés
Et de liens fleuris les peuples enchaînés
Des concerts éclatants de leur joie infinie
Chantent dans sa beauté la nature bénie !
Heureux ce juste, heureux ce sage, heureux ce dieu !
L’amour et la science ont accompli son vœu
Et désormais sa vie est comme une onde pure,
Qui dans un lit plein d’ombre et de soleil murmure,
Certaine qu’au delà d’un monde encor terni,
Elle se bercera dans l’arome infini !


Ni La Recherche de Dieu, ni Le Voile d’Isis, n’ont été admis par Leconte de Lisle dans le recueil de ses œuvres. Niobé, au contraire, figure en belle place dans les Poèmes Antiques. Telle que nous la lisons aujourd’hui, la pièce, après avoir évoqué le « marbre sans