Aller au contenu

Page:Estève - Leconte de Lisle, Boivin.djvu/81

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

81
ET LES DIEUX


           Fleur du Paradis, Vierge immaculée,
Puisque ton chaste sein conçut le dernier Dieu,
Règne auprès de ton fils, rayonnante, étoilée,
           Les pieds sur la lune, au fond du ciel bleu[1].


Et ce n’est pas là, comme on pourrait croire, une fantaisie de poète. C’est l’expression même de la conviction de Louis Ménard. Selon lui, « pour l’intelligence qui embrasse dans leur harmonie les révélations successives du divin, chaque anirmation de la conscience humaine est un des rayons de l’universelle vérité, une des faces du prisme universel[2]. » La raison est incapable d’exprimer la vie : « les questions d’origine échappent à l’observation et à la science cependant l’esprit humain ne peut se désintéresser de ces problèmes ; il faut donc qu’il se contente de solutions mythologiques, puisqu’il ne s’en présente pas d’autres. » Ces révélations partielles, exprimées en symboles hiéroglyphiques, forment à elles toutes la mystérieuse explication de l’univers, le voile d’Isis, ce riche manteau dont chaque peuple a tissé un pan avec amour. Car les peuples naissent, vivent et meurent, et avec eux leur religion, qui est leur âme. « Un peuple qui a renié ses dieux est un peuple mort[3]. » Tous les cultes se remplacent les uns les autres : celui du Christ, qui est venu le dernier, disparaîtra à son tour, et alors la grande nuit enveloppera le monde, car il ne semble pas au « rêveur dont j’analyse les songeries que dans notre âge positif un culte nouveau puisse s’établir.

Ménard est le dévot de tous les dieux et le fidèle de toutes les religions. Pourtant il y a une religion qu’il préfère et des dieux qui lui semblent plus beaux. Cette religion, c’est le polythéisme hellénique ; ces dieux, ce sont les dieux de l’Olympe, Zeus, Héra, Athéna, Apollon, qu’il se garde bien de confondre avec les dieux latins auxquels on les assimile d’ordinaire. Depuis longtemps on ne veut voir dans leur légende « qu’un tissu de fables immo-

  1. Les Rêveries d’un païen mystique : Panthéon.
  2. Ibidem : Le banquet d’Alexandrie.
  3. Ibidem : Le voile d’Isis.