Page:Eugène Le Roy - L’Ennemi de la mort.djvu/170

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à Mussidan : sois bien sage, ne te tourmente pas, je reviendrai bientôt.

En sortant Daniel se tourna vers la mère :

— Faites de la tisane d’orge et lui en versez à boire lorsqu’elle le demandera.

Et, connaissant la manie meurtrière des paysans qui bourrent les enfançons et les malades, « pour leur donner de la force », il ajouta :

— Surtout, gardez-vous bien de la faire manger !…

Revenu l’après-midi, le docteur trouva l’état de la petite un peu aggravé : le pouls était plus fréquent, tous les symptômes mauvais plus marqués. Vers le soir, la fièvre étant un peu tombée, il fit prendre un purgatif à l’enfant avant de partir.

— Tu reviendras ? souffla-t-elle.

— Demain, ma mignonne ; à la pointe du jour, je serai là ! Tâche de dormir un peu, dit-il en lui passant la main sur le front.

Malgré cette exhortation, la petite Sylvia ne dormit pas de la nuit ; et, de son côté, Daniel ne dormit guère. À un reste d’émotion mal apaisée de sa rupture avec Minna se joignait le souci que lui causait la maladie de la fillette : une fièvre typhoïde, il n’avait aucun doute à cet égard. Durant toute son insomnie, le docteur suivait par la pensée la marche future de la dangereuse affection. Nouveau pratiquant, il n’était pas encore blasé par le métier : il embrassait en esprit le sauvetage de sa malade comme une charge d’état, comme un devoir auquel il se dévouait tout entier. Cette sollicitude un peu inquiète se substituait par degrés aux regrets de son cœur, et bientôt il en vint à envisager paisiblement le fait accompli et nécessaire, pour ne songer plus qu’à la haute mission du médecin, comptable de vies humaines…