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Page:Eugène Le Roy - L’Ennemi de la mort.djvu/211

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désolait de constater le néant des sortilèges. Gondet s’efforçait bien de faire entendre à l’amoureux que ces charmes-là, souvent, n’opéraient guère avant des mois ; mais le berger commençait à douter de leur puissance.

Pour s’en éclaircir, il résolut de parler à Sylvia. Rassemblant tout son courage, il l’arrêta, vers la fin d’un après-midi, sur le chemin du Désert, où elle allait portant son petit paquet de hardes.

— Veux-tu m’écouter un moment, Sylvia ?

— Je veux bien, dit-elle plus aimablement que de coutume, tant elle était heureuse de ce qui désespère maintes filles.

— Tu sais, dit-il alors, que je pense à toi depuis le premier jour où je te vis, Sylvia : ne veux-tu pas avoir compassion de moi ?

Elle regarda au fond des yeux, avec un étonnement mêlé de pitié, ce grand garçon innocent.

— Tu es donc aveugle, Jannic ? Ne comprends-tu pas que j’aime quelqu’un à qui j’ai donné toutes choses ?

— Que veux-tu dire ? fit-il subitement pâle.

— Pauvre drôle ! vois donc ma taille et ma robe trop courte par devant !

Alors, tout à coup, le berger comprit, et il quitta Sylvia en disant froidement :

— Donc, ne parlons plus de ça !…

Lorsqu’il fut hors de vue, il laissa le chemin, pénétra dans un fourré de mort-bois et se jeta sur la palène, où il se mit à pleurer et à sangloter. Le soleil s’étant abîmé sous l’horizon, il se dressa, essuya ses yeux avec la manche de sa blouse et marcha vers l’étang des Oulmes. Mais, une fois là, debout au bord de la levée, il s’avisa que, l’année prochaine, on