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Page:Eugène Le Roy - L’Ennemi de la mort.djvu/23

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avec le dehors était assuré par Mériol qui allait aux foires des environs, — Mussidan, Montpaon, Saint-Vincent, la Latière, — vendre et acheter du bétail ou des cochons. Mais pour savoir ce qu’il y avait appris, ce n’était point facile, tant il était boutonné de nature. À cette heure, il mangeait tranquillement, silencieusement, restait à l’écart de l’entretien, et se bornait à répondre brièvement lorsque sa femme faisait appel à sa mémoire : il fallait lui arracher les paroles comme avec un tire-bouchon.

— Appelle le chien, lui dit Daniel quand ils eurent soupé.

Mériol alla ouvrir la porte et siffla.

Un grand fort chien, roux et blanc, au poil rude, mélange de mâtin et de chien de montagne, armé d’un collier de pointes, vint sur le seuil, et, méfiant, regarda ce convive imprévu.

— Allons, entre, César ! lui dit la Grande ; innocent ! tu vois bien que c’est le jeune monsieur !

Après plusieurs appels, le chien obéit, et, brandissant légèrement la queue en manière de remerciement, accepta un os que Daniel lui tendait, puis, successivement, tous ceux qui étaient sur les assiettes. Après quoi le maître promena sa main sur l’énorme tête qui était à hauteur de la table : la connaissance était faite.

— Il attaque le loup ! dit la Grande en allant quérir une bouteille.

— Et ton petit briquet ? demanda Daniel à Mériol.

— Il est à l’écurie.

En ce moment, la pendule, qui battait les secondes dans sa haute gaine de noyer, fit entendre un bruyant déclic de tournebroche et sonna lentement onze heures.